Une situation alarmante sur la maltraitance des aînés

Une étude dans l’agglomération de Longueuil, présente une situation peu reluisante de la situation des aînés dans certaines résidences pour personnes âgées (RPA).

« Il y a de très bonnes résidences au Québec. » Voilà ce que tenait à mentionner en premier lieu Mme Couture, titulaire de la Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées de l’Université de Sherbrooke, au moment où elle s’est entretenue avec le journal.

Les membres du Comité droits des aînés en résidences privées de l’agglomération de Longueuil et l’équipe du domaine d’expertise pour contrer la maltraitance du Centre de recherche et d’expertise en gérontologie sociale (CREGÉS) du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal ont présenté l’étude « Comprendre les situations des locataires âgés vivant des difficultés avec les propriétaires et/ou les employés de leur résidence privée pour aînés : Perspectives des locataires âgés et de leurs proches », commandée à Mélanie Couture.

Situation alarmante

En avril, la publication de son étude était alarmante sur des cas de maltraitance en RPA perpétrés par les propriétaires, les gestionnaires et les employés. « Nous sommes allés chercher les témoignages de 17 résidents qui ont bien voulu raconter leurs histoires. Cela a été très difficile qu’ils acceptent de nous parler, parce qu’il y a des inquiétudes de leur part. Il n’y a jamais vraiment eu d’étude auparavant pour décrire ce phénomène », précise Mme Couture.

Au Québec, en 2020, une enquête sur la maltraitance envers les personnes aînées, de l’Institut de la statistique du Québec, a démontré que 5,9 % des personnes vivant à domicile et pouvant elles-mêmes répondre au questionnaire téléphonique ont vécu de la maltraitance dans les 12 derniers mois. « Ces statistiques sont conservatrices, puisqu’une grande partie des situations de maltraitance n’est pas dénoncée », de préciser Mme Couture.

Complexe

Outre l’attitude des employés pendant leur travail, l’étude de Mme Couture montre que la maltraitance est bien plus complexe et subtile. « Le résultat que nous avons obtenu est différent de celui que nous attendions. La maltraitance s’exprimait aussi au niveau de la gestion de l’établissement en termes de non-écoute et de non-action. Les raisons vont plus loin que la simple maltraitance financière et matérielle. Une personne m’a dit qu’elle avait l’impression qu’elle était au service de la résidence et non l’inverse. Cela résume bien ce que l’on a pu observer parfois.»

Cette étude qualitative descriptive concernant les RPA de l’agglomération de Longueuil démontre que la maltraitance s’exprime par des soins omis ou inadéquats, des engagements non respectés, la non-reconnaissance des besoins des résidents ainsi que des représailles de la part des gestionnaires lorsqu’ils osent se plaindre.

Comprendre la maltraitance 

Mme Couture espère bien que son étude aura des échos à Québec « Le gouvernement est au courant de cette problématique. Il y a une nouvelle loi pour contrer la maltraitance 2017-2022, mais il faut sensibiliser les personnes âgées elles-mêmes pour déposer une plainte. Ce n’est pas que dans les établissements privés qu’il peut y avoir des maltraitances. Dans les CHSLD, cela peut arriver. Nous avons eu des exemples, mais dans le privé, c’est plus complexe. La première étape, c’est comprendre ce qu’est la maltraitance. Il faut la reconnaître avant même de porter plainte. »

Un mal bien présent

Déjà, en 1990, les études canadiennes de prévalence estimaient que de 4 à 7 % des personnes aînées étaient victimes de maltraitance.

Selon le gouvernement, « Il y a maltraitance quand un geste singulier ou répétitif, ou une absence d’action appropriée, intentionnelle ou non, se produit dans une relation où il devrait y avoir de la confiance, et que cela cause du tort ou de la détresse chez une personne aînée ».

« La maltraitance peut prendre plusieurs formes : psychologique, physique, sexuelle, matérielle ou financière, violation des droits, organisationnelle, âgisme…», d’ajouter Mme Couture.

En juin 2021, un projet de loi a été déposé à l’Assemblée nationale du Québec dans le but de renforcer la loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité. L’article 14 de la loi prévoit une cueillette systématique d’informations à l’échelle provinciale sur les situations de maltraitance envers les personnes aînées.

Malheureusement, peu d’établissements publics ou privés ont établi une politique contre la maltraitance. Au 31 décembre 2020, 20 % des établissements publics et 52 % des établissements privés n’avaient rien fourni, selon un mémoire mené par Emploi et Développement social Canada le 15 septembre 2020, visant l’élaboration d’une définition stratégique fédérale des mauvais traitements envers les aînés.

« Le Québec est quand même rendu plus loin que le Canada sur la question. On n’en est plus à définir ce qu’est la maltraitance chez les aînés, on essaye de mettre des choses en place », de conclure Mme Couture.